Quelle position adopter pour les designers, censés améliorer ou préserver l’habitabilité du monde pour les humains, dans le contexte du dépassement de la majorité des limites planétaires ? L’humain s’est longtemps pensé comme seul être agissant sur des milieux passifs à cultiver, développer, exploiter. Or, notre temps montre que toutes les entités du système terre – biotiques et abiotiques* – sont des agents qui réagissent à nos faits et gestes, participent des importantes transformations en cours. Les designers doivent eux aussi composer avec cette agentivité, pour imaginer des futurs tenant compte de tous les acteurs.
Pour tenter d’adresser ces questions à l’échelle des pratiques et en relation à Loire, le programme Liga a choisi de s’intéresser à la notion de « gisement(s) » et sa polysémie. Elle est comprise à la fois comme une ressource matérielle – dont tout concepteur a besoin – et au sens des savoirs, savoir-faire et trajectoires possibles. Pensée depuis le point de vue des nécessités humaines, elle essaie d’entrevoir les liens de subsistance avec et entre les autres qu’humains, dont nous sommes largement dépendants.
*Les facteurs biotiques sont relatifs aux êtres vivants et à leurs actions, y compris celles que les organismes vivants exercent directement les uns sur les autres. Par opposition, les facteurs abiotiques sont l’ensemble des conditions physico-chimiques d’un milieu (sol, eau, climat, minéraux, topographie…) ayant une influence sur les organismes qui y vivent. (sources CNRTL https://www.cnrtl.fr/ et du Glossaire eau, milieu marin et biodiversité https://glossaire.eauetbiodiversite.fr/)
Le travail a démarré par une participation au projet de la Grande Remontée de Loire en bateaux, que Liga a accompagné sur l’eau et sur terre pendant une semaine. Initiée par les associations La Rabouilleuse – Ecole de Loire et Voiles de Loire, associées au collectif Pour un parlement de Loire* et à Natexplorers, la Grande Remontée est une navigation d’une vingtaine de bateaux de Nantes à Orléans, où chaque escale est l’occasion de rencontres, discussions, expositions, formes artistiques, etc. avec les publics. Elle réunit des acteurs divers, mariniers, scientifiques, médiateurs, associations, élus, artistes, journalistes, etc. autour des multiples enjeux contemporains de Loire.
Pour Liga le « terrain » est essentiel ; des temps, des lieux et des présences permettant d’être en immersion et en prise directe. Pour les étudiants, c’est un temps d’enquête de Tours à Saint-Dyé-sur-Loire pour entrer dans les questions posées. Trois étudiantes embarquent sur les bateaux, autour du projet Loire Sentinelle (état de la biodiversité et de la contamination en microplastiques) : démarche de collectes, analyses et partage de résultats vers les publics. Six étudiants cheminent à vélo pour analyser la morphologie du paysage en Loire moyenne, visiter des sites, rencontrer des acteurs de l’extraction de sables et graviers, du flux du vent ressenti, (échelle de Beaufort, marine de Loire, moulins traditionnels), observer la ripisylve et les berges de Loire, comprendre les interactions de l’écosystème formé par l’ortie, penser un mode de collecte spécifique.
Les escales journalières – où l’équipe est réunie pour le bivouac – sont l’occasion d’approfondir, réaliser des entretiens, assister à des ateliers de médiation. Autant d’informations, de savoirs qui alimentent la réflexion, sur lesquels travailler par la suite.
https://www.parlementdeloire.org/grande-remontee-2023/
*Le collectif Pour un parlement de Loire est formé en 2023 pour amplifier une démarche initiée en 2019 : Mission Val de Loire, Maison des Sciences de l’Homme du Val de Loire, Polau Pôle Arts et Urbanisme, Université Populaire pour la Terre, Le petit monde, Natexplorers, Ligere https://www.parlementdeloire.org/
Camille de Toledo (dir.), Le fleuve qui voulait écrire, Les auditions du parlement de Loire, Editions Les Liens qui libèrent, 2021
Remerciements pour leur temps et paroles partagés :
Isabelle Chollet, administratrice, La Rabouilleuse
https://www.larabouilleuse-ecoledeloire.com/
Domaine de Chaumont-sur-Loire
Loire Sentinelle, Barbara Réthoré et Julien Chapuis, Natexplorers
https://www.natexplorers.fr/loire-sentinelle/
Les résidents de Loire Sentinelle :
Aurélie Calmet, dessinatrice, aquarelliste
Amélie Patry, céramiste
Sarah Pellerin-Ott, danseuse et chorégraphe
Sébastien Rochard, journaliste
Franck Ploux, directeur des Sablières Ploux Frères, Vouvray
M. Poirier Association du Moulin cavier Saint-Jacques, Saint-Laurent-Nouan
Roc Poirier, maquettiste, atelier Tact
Rose Rondelez, designer, POlau
Clément Sirgue, Présiden, La Rabouilleuse