Une pièce sonore

L’attention par l’écoute

 » Ces accords qui traduisent un bon voisinage chez les oiseaux, ces accords qui témoignent d’une aventure collective réussie m’invite à présent à mobiliser un autre terme musical à nouveau : celui de partition. Car c’est bien ce que sont les territoires, ce sont des partitions. « 
Habiter en oiseau, Vinciane Despret, Actes Sud, 2019, p169

Cette pièce sonore est conçue comme un moment d’écoute collectif, activée sur le site de la micro-architecture (le terrain de Gobion à la Chapelle-Saint-Mesmin), à des moments dédiés. Elle est diffusée en lien avec les autres usages répertoriés par le scénario (réunions, bivouac, rassemblements festifs, module d’attention…) et constitue une sorte de rituel de “mise en condition”, de «synchronisation» avec le milieu. La pièce se compose d’une partie de sons enregistrés en field recording et d’une partie aléatoire. Elle prend la forme d’une interprétation performative qui s’adapte aux évènements sonores qui surgissent pendant sa diffusion. 

EN PRISE DIRECTE. La question d’une pièce sonore partagée en direct est essentielle. Il s’agit de provoquer une écoute réelle, c’est-à-dire de relever les présences dans le périmètre d’étude, afin de sensibiliser les personnes à ce qui les entoure (tous les sons, quels qu’ils soient). Cette attention portée aux autres présences nécessite de s’adapter au milieu. Cela veut dire savoir négocier, partager la scène avec les autres vivants, humains et non-humains pour former un paysage sonore évolutif et donc nouveau à chaque occasion. Le jeu de la diffusion (volumes, coupures, effets d’échos, contrastes..) révèle des motifs d’interaction entre la pièce sonore et les autres présences qui les mettront en valeur mutuellement.

UN RITE D’ATTENTION. Un protocole doit être défini pour transmettre aux activateurs de la micro-architecture (associations, commune, scientifiques…) les modalités de la diffusion afin qu’ils puissent se l’approprier. Ainsi, cette pièce évoluera autant qu’existent de passeurs, de performeurs pour l’interpréter.                   

PARTI-PRIS. Des captations sonores ont été réalisées dans le périmètre d’étude autour et dans la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Mesmin. Un travail d’écoute de ces prises a conduit à se détacher de l’objet à l’origine du son (des oiseaux, une station d’épuration, des voitures, des riverains…) pour se concentrer sur la matière du son, écouter le son pour ce qu’il est. Cette matière sonore est une porte ouverte vers un imaginaire que chacun peut se construire. Différentes expérimentations de montage ont été testées. Certaines mettent en avant le travail du rythme ou encore le choix des sons… D’autres sont composés uniquement d’assemblages de fréquences précises. 

Ces tests ont permis d’aboutir à une première formalisation cette année, en imaginant une composition faite de parties mêlant fréquences, rythmes, temps, durées… Des sons apparaissent, disparaissent, étonnent, interrogent, créent des micro-évènements. Cette organisation entre composition et improvisation forme un ensemble évolutif qui permet à l’écouteur de rester attentif tout au long de la pièce sonore. 

« … Ces deux scientifiques ont réussi à trouver comment faire attention à la manière dont les oiseaux font attention les uns aux autres. Bref, s’arrêter, écouter, écouter encore : ici, maintenant, se passe et se crée quelque chose d’important. »
Habiter en oiseau, Vinciane Despret, Actes Sud, 2019, p181

Eloy Flambeau, 4ème année Design des communs
Maëva Passereau, 5ème année Design des Média

Accompagnement : Paul Laurent, compositeur et improvisateur 
www.echoecho.fr


Le développement du travail s’est appuyé sur un ensemble de références musicales et bibliographiques. Celles-ci ont été sollicitées lors de séances regroupant tous les étudiants de l’équipe, par des temps d’écoute d’oeuvres musicales puis des temps d’écoute de la pièce sonore en construction.

Références d’oeuvres musicales :
– Luciano Berio, Thema, Omagio a Joyce, 1958
– Joseph Beuys, Ya ya ya, ne ne ne, 1968
– Gavin Bryars, The sinking of the Titanic, 1969
– John Cage, 4’33’’, 1952
– Anne-James Chaton, Paris-Troyes, 1993
– Luc Ferrari, Presque rien, 1967-70
– Bernard Fort, Brain Fever, 2017
– Alvin Lucier, I am sitting in a room, 1981
– Lionel Marchetti, Dans la montagne, 1996
– Olivier Messiaen, Catalogue d’oiseaux, 1956-58
– Dominique Petitgand, 10 petites compositions familiales, 1996
– Eliane Radigue, 5 Songs of Milarepa, 1984
– Karlheinz Stockhausen, Aus Den Sieben Tagen, 1968

Références bibliographiques :
– Michel Chion, Le promeneur écoutant, Plume/Sacem, 1993
– Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Actes Sud, 2019
– Richard Kostelanetz, Conversations avec John Cage, Ed. des Syrtes, 2000
– Bernie Krause, Le Grand Orchestre animal, Flammarion, 2013
– Murray Schafer, Le paysage sonore (tuning the world ?), Wild Project, 2010
– Pierre Schaeffer, Traité des objets musicaux, Seuil, 1966